BeatBox and Light
Bio Invader
Projet Art1 NEW Jeu biotique / LEDs / Vidéo / Arcade

Un biotic game en art contemporain. Un projet proposé par Dominique PEYSSON / dominiquepeysson.net

Objectifs

Bio Inviders sera une installation artistique qui prendra la forme d’un jeu biotique, similaire aux jeux vidéo des tout premiers temps mais engageant de vrais microorganismes. Il sera possible d’interagir et de « jouer » avec les processus naturels du vivant, comme lorsqu’un organisme en mange un autre par exemple.

Il s’agira de générer un système capable à la fois de créer une relation d’empathie avec les microorganismes et de nous confronter à notre habitude de les éradiquer. Nous ne connaissons que très mal ces petits êtres vivants, bien qu’ils soient partout présents.

Nous serons invités à « jouer » à ce Bio Inviders en cherchant à les tuer comme des envahisseurs, à la manière des aliens dans le vrai Space Inviders. Nous n’hésitons pas pourtant dans la vie de tous les jours à éliminer quotidiennement des microorganismes (souvent à bon escient) en désinfectant autour de nous au moyen de produits chimiques délétères comme l’eau de javel. Mais peut-on encore tuer un petit organisme après avoir engagé une relation empathique avec lui ? Et comment réagissons-nous rétrospectivement si nous apprenons que certains de ces microorganismes sont des larves de moustiques … ? De véritables microrobots pourront à terme être introduits dans le jeu, afin de visualiser les interactions entre les microorganismes et ces micronageurs artificiels, identiques à ceux qui sont actuellement à l’étude dans différents laboratoires. Une manière de questionner autrement les relations entre les robots et le vivant, en nous positionnant à une autre échelle de taille.

Nos Bio Inviders poseront de cette manière la question de l’éthique : quelles règles doit-on imposer dans ce « jeu « avec la vie menée à l’échelle microscopique dans beaucoup de laboratoires en biotechnologie ? Le terme de « jeu » n’est d’ailleurs pas pris au hasard : peut-on jouer sans appliquer certaines règles déontologiques?

Matériels

Système à développer

Le système expérimental à développer sera basé sur le jeu Space Inviders

Le principe du jeu original Space Inviders est de détruire des vagues d’aliens au moyen d’un canon laser en se déplaçant horizontalement sur l’écran. Il fait partie des classiques du jeu vidéo au même titre que Pac-Man et d’autres de ses contemporains.

En ce qui concerne les stages réalisés à l’institut d’optique, il est proposé de travailler sur le système permettant de « jouer » à Bio Inviders en visant les microorganismes, au lieu des aliens, qui apparaîtront dans la fenêtre observable. Le canon laser sera effectivement un laser, suffisamment puissant pour mettre les organismes en état de stress ou les éliminer. Les microorganismes seront des daphnies, des ostracodes ou des larves de moustiques. Les organismes seront guidés par un flux du liquide pour descendre du haut de la cellule liquide vers le bas, mais évolueront chacun à leur manière comme ils le font dans leur milieu naturel. Il faudra imaginer le dispositif permettant de manipuler l’orientation du laser pour « tuer » le maximum de microorganismes. Il faudra être en mesure d’observer en même temps l’image du système, qui sera agrandie afin qu’il soit possible de voir en très grand ce qu’il se passe en petit à l’échelle des organismes.

Le dispositif expérimental global sera en partie inspiré de celui décrit dans l’article « Pac-Euglena: A Living Cellular Pac-Man Meets Virtual Ghosts » [6].

Microorganismes envisagés

Les daphnies

Daphnie — Wikipédia

Les daphnies sont de petits crustacés d’eau douce (eau stagnante). Elles mesurent de un à quatre millimètres. On peut apercevoir leurs organes internes grâce à leur corps translucide. Appelées aussi puces d’eau, elles se déplacent par à-coups. Il est possible de s’en procurer facilement car on peut les élever pour nourrir ses poissons d’aquarium.

Les ostracodes

Description de cette image, également commentée ci-après

Les ostracodes sont également de petits crustacés microscopiques. Leur corps est entièrement enfermé dans une carapace constituée de deux valves articulées dorsalement. Leur taille varie de 0,5 mm à environ 3 mm. Seules les extrémités de quelques appendices sortent ventralement de cette carapace quand les animaux se déplacent quand ils nagent. Il est possible de s’en procurer facilement car on peut les élever pour nourrir ses poissons d’aquarium.

Les larves de moustique

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Les larves de moustiques sont aquatiques. Issue de l’œuf, une larve de premier stade (L1) de taille réduite va, par une succession de trois mues, accroître sa taille, donnant en quelques jours une larve de stade IV (L4), de taille variable selon l’espèce et les conditions de développement, comprise entre 3 et 11 mm. La durée de son développement aquatique varie selon la saison ; en période d’été, son développement dure une semaine, alors qu’en période d’hiver, ce dernier peut durer plusieurs mois. On peut « récupérer facilement de ces larves en laissant un point d’eau stagnant en extérieur.

Intentions scientifiques

Le développement de microrobots autonomes dans les laboratoires a pour objectif de trouver des applications allant de la médecine [1], par exemple pour apporter des médicaments localement dans des organes, ou aider les spermatozoïdes n’ayant pas une mobilité suffisante, à des applications environnementales comme la dépollution des sols [2]. Une question reste ouverte depuis presque 10 ans [3]: comment contrôler en temps réel le mouvement d’une entité capable de délivrer des particules actives au plus près d’une cible?

Les imaginaires scientifiques associés au projet

Les imaginaires invoqués auront trait à l’incroyable diversité des êtres vivants et de leurs modalités de vie, de mort et de reproduction, aux toutes petites échelles de taille. Notamment l’incroyable florilège d’êtres métamorphiques que l’on trouve dans les microbiotes, que ce soit le microbiote à l’intérieur de notre propre corps, celui des différentes couches du sous-sol ou dans l’eau. Ce projet appellera également les imaginaires liés aux biotechnologies, qu’ils soient basés sur les avancées réelles de la recherche sur les microrobots (fertilisation d’ovocytes par des spermbots), ou de la science-fiction. Des auteurs se sont d’ores et déjà emparés de ces sujets particulièrement inquiétants à l’heure de la pandémie mondiale et les microrobots introduits dans le corps dont il est question dans le dernier James Bond en constituent l’une des expressions les plus récentes.

Les enjeux sociétaux ou philosophiques

Il est clair que ce projet interrogera l’éthique de la manipulation du vivant aux petites échelles de taille. Le terme de « jeu » n’est d’ailleurs pas pris au hasard : peut-on jouer sans appliquer certaines règles déontologiques? Le jeu, depuis toujours, est constitutif de la culture humaine et son intérêt dépasse largement celui du simple divertissement. Plutôt que de brandir des mots-valises (injection de microrobots dans le corps) propres à faire peur et emporter l’imaginaire bien trop loin de la réalité, ce qui risque de geler le débat et l’implication citoyenne, l’idée est plutôt d’intégrer le public au plus près des systèmes vivants, des biobots et des microrobots, afin que chacun puisse connaître un peu mieux leurs fonctions, leurs fonctionnements et les enjeux qu’ils impliquent. Une approche nécessaire pour les aider ensuite à prendre des décisions de manière plus juste [4].

Le développement du projet artistique par Dominique Peysson

Site web de Dominique Peysson.

L’artiste Dominique Peysson a déjà monté une installation artistique dans laquelle elle projette l’image d’un circuit microfluidique très simple. Pour ce projet, elle pourra bénéficier de l’expertise des chercheurs de l’Institut d’Optique Julien Moreau et Julien Villemejane, de l’équipement et des recherches en microfluidique du LadHyX pour réaliser la base du BioticGame. Étant aussi scientifique, elle pourra notamment se former avec Gabriel Amselem, et expérimenter différents systèmes. Elle sera également en lien avec le laboratoire de PMMH (ESPCI) avec lequel elle travaille régulièrement, et au sein duquel a été développé le premier micronageur artificiel dirigé au moyen d’un champ magnétique [5]. Elle mettra au point ses biobots et spermbots au laboratoire IS2M à Mulhouse, qui l’a reçue pendant un mois pour une résidence d’artiste.

Le dispositif utilisé dans l’article « Pac-Euglena: A Living Cellular Pac-Man Meets Virtual Ghosts »

Ressources bibliographiques

[1] J. Li, B. E. F. De Ávila, W. Gao, L. Zhang, and J. Wang, Sci. Robot. 2, 1 (2017).

[2] J. Parmar, D. Vilela, K. Villa, J. Wang, and S. Sánchez, J. Am. Chem. Soc. 140, 9317 (2018).

[3] M. C. Marchetti, Nature 491, 340 (2012).

[4] I. H. Riedel-Krise, A. M. Chung, B. Dura, A. L. Hamilton and B. C. Lee, Lab. Chip.11, 14-22 (2011).

[5] R. Dreyfus, J. Baudry, M. Roper et al. Nature 437,862–865 (2005).

[6] CHI ’20: Proceedings of the 2020 CHI Conference on Human Factors in Computing Systems, April 2020, 1–13(2020)

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